Critiques de livres

Richard Brautignan Un privé à Babylone 10/18

« Brautigan viens d’écrire un roman policier » pourrait-on dire si on s’en tenait aux impressions de lecture élémentaires.
Mais ce qu’a écrit Brautigan est bien au-dela.
Sont évoquées les années noires de la chasse aux communistes aux USA, les aspirations à une vie sensible, le droit au rêve.
Brautigan se rêve une autre vie, un autre monde, d’autres sensibilités, une autre signification à nos gestes et à nos élans.
Brautigan sait à merveille, comme le Salinger des « Nouvelles » , évoquer les choses qui sont derrière les choses, les émotions derrière les apparences, et la poésie, dans son sens le plus noble et le plus immédiat est omniprésente dans ce livre aux significations multiples.

Bapsi Sidhwa La fiancée pakistanaise Actes Sud Babel

Une petite fille originaire des plateaux du Pendjab est adoptée par un montagnard du Kohistan. Il a quitté son village à la mort de sa femme et de ses enfants et il va élever la petite Zaitoon.
Mais, obsédé par la nostalgie de ses montagnes de la haute vallée de l’Indus, c’est à un homme de sa tribu qu’il va la donner en mariage.
Tout sépare les nouveaux époux. Le marié entreprend d’imposer son autorité à la jeune citadine, avec une violence proportionnelle à la passion et à la jalousie qu’elle lui inspire. Tant et si bien qu’elle finit par s’enfuir dans le désert montagneux.
Une dure et belle évocation d’un Pakistan intime

Guillaume Clémentine Le petit malheureux Actes Sud Babel

Vivant à Paris, obligé d’épouser son siècle et son insupportable quotidien, Guillaume gamberge sur sa lâcheté, sa solitude, son oisiveté.
Avec un jovial cynisme, il pourfend les adeptes du bonheur, les stakhanovistes du courage et du sens des responsabilités.
Glandeur au grand coeur, le petit malheureux rêve sans fin du grand amour.
Tout à la fois tendre, ironique, décapant, ce roman exutoire de Clementine, portrait en neuf tableaux d’un immature, tend avec humour, un miroir à ses contemporains.
Ma JianLa mendiante de Shigatze Actes Sud Babel

Ces cinq récits d’un chinois au Tibet proposent une vision saisissante d’un monde que l’on croyait connaître.
Ma JIAN révèle un peuple et un pays d’une incroyable étrangeté dont la dureté et la violence sont extrêmes.
Les descriptions aussi insoutenables que fascinantes n’ont pas manqué de susciter les foudres de la censure en ce qu’elles prêtent d’irréductible singularité à un peuple supposé se fondre dans la grande Chine.

Ramon Sender Requiem pour un paysan espagnol Actes Sud Babel

L’auteur raconte la journée d’un village espagnol au début de la guerre civile, avec l’art, infiniment périlleux, de presque tout dire en disant peu.
Ce que donne Sender à voir, à entendre, à comprendre, c’est la dramaturgie de la guerre civile espagnole dans la société paysanne, alors même que cette guerre demeure innommée.
Ce livre est le « Guernica » de la littérature espagnole.
Après la fin de la guerre civile, Sender s’installe aux Etas-Unis. Il ne retourne en Espagne, en 1974, qu’à la condition expresse qu’y soit enfin édité « Requiem pour un paysan espagnol »